Les glaciers fondent. La montagne s’effondre. Dans le massif du Mont Blanc, de plus en plus d’ascensions mythiques deviennent périlleuses voire impossibles, victimes du réchauffement. Un crève-coeur pour les alpinistes et les amoureux des sommets.
«Ca va très vite. Jamais, il y a dix ans, je n’aurais imaginé une telle accélération», note le géomorphologue Ludovic Ravanel, qui scrute chaque mouvement d’altitude dans le berceau historique de l’alpinisme. «Si l’on tient compte des annonces de mes collègues climatologues pour dans dix ou vingt ans, ça va être pire.»
En 2005, dans la foulée de la canicule de l’été 2003, l’emblématique pilier Bonatti, redoutable paroi surplombant Chamonix de sa verticalité insolente, s’était effondré dans un fracas terrible: 292.000 m3 de rocher et un pan d’histoire au tapis. Rêve d’ascension perdu pour les jeunes guides et perte irréparable bien au-delà de la vallée.
Ces écroulements se poursuivent et se multiplient. Ravanel, un patronyme bien connu à Chamonix, leur a consacré sa thèse et les recense inlassablement.
Fonte du permafrost
Le permafrost est atteint. Cet état thermique permet de garder dans les fissures une glace multi-millénaire qui cimente entre eux les blocs de pierre et maintient les montagnes debout. Et les glaciers, qui tiennent aussi les montagnes à leur pied avec une poussée horizontale, se retirent, fragilisant encore l’édifice.
L’été dernier, une partie de l’arête des Cosmiques, très fréquentée, s’est effondrée. «On n’en a plus pour très longtemps dans certaines parois», met en garde le chercheur rattaché au CNRS, le Centre national de la recherche scientifique.
Les périodes «pendant lesquelles ces itinéraires peuvent être escaladés dans de bonnes conditions l’été tendent à devenir moins prévisibles», souligne cette étude publiée en juin.
Les fenêtres «optimales se sont déplacées vers le printemps ou l’automne», quand il reste assez de neige ou s’il en est déjà tombé en haute montagne, pour ces courses devenues «plus dangereuses et techniquement difficiles».
